[ Tribune de France Jamet ] La Transition énergétique doit cesser sa guerre contre L’industrie

L’Union européenne en fait son défi de ce siècle : parvenir à une neutralité climatique d’ici 2050. Qu’importe s’il s’agit, dès lors, de sacrifier ce qui reste de notre industrie, déjà largement démantelée par sa visée mondialiste d’une rentabilité à très court terme.

L’Union se rêve ainsi entièrement numérisée, sans carbone, sans industrie, sans productivité … juste une société de services plus ou moins concrètement utiles à la vie des gens, dépossédés des moyens économiques de maîtriser leur destin en tant que peuples et nations.

On estime que le Pacte vert européen menace au moins 11 millions d’emplois en Europe[1], ce qui ne manquera pas, en détruisant le tissu industriel encore dense de l’Europe orientale, d’aggraver les flux migratoires des pays d’Europe de l’Est vers ceux de l’Ouest, et de renforcer la pression sur ces emplois de service restants. Ajoutez à cela l’avènement triomphant du télétravail permettant le développement du nomadisme salarial dans un monde idéologiquement globalisé: la perspective d’un chômage de masse structurel et de très longue durée est, pour la France, inévitable.

Pendant ce temps, l’Union continuera d’importer au prix fort d’innombrables commandes de tous les biens essentiels qu’elle ne peut plus, qu’elle ne veut plus, qu’elle ne sait plus produire elle-même auprès des pays de cette Asie triomphante qui, elle, ne privilégiera jamais d’autres intérêts que les siens propres. L’usine du Monde qu’est la Chine produit ces biens au moyen d’émissions carbone bien plus considérables que ne l’auraient fait les Etats membres soumis à des normes environnementales plus strictes, mais qu’à cela ne tienne, les apparences sont sauves : la pollution ne vient pas du sol européen…

Ce système n’est pas seulement d’une hypocrisie absurde, il est dangereux. L’épisode tragi-comique du blocage du canal de Suez par lequel transite 12% du commerce mondial, a été un révélateur de la dépendance absolue de nos pays à l’industrie étrangère. Ce simple et banal accident a causé le ralentissement de l’industrie automobile en Europe, car il a aggravé la pénurie de composants électroniques. Pénurie dont la production européenne pâtissait déjà à la suite de l’incendie d’une usine de semi-conducteurs au Japon et d’une panne de courant au Texas…Terrible « effet papillon » que cette gestion structurelle en flux tendus, qui présuppose un monde lisse, parfait, sans accident, ni conflit ni épidémie !

Il ne peut y avoir de puissance ni de grandeur françaises sans industrie. Cette dernière aurait dû être l’une des préoccupations premières des gouvernements qui se sont succédé. Résultat : en vingt ans, un million d’emplois industriels ont été détruits dans notre pays. Si, ces dernières années, on avait pu observer une timide tendance à la relocalisation ou pour le moins, un freinage des délocalisations pour la simple raison que les coûts de production avaient augmenté dans les pays où l’on délocalise traditionnellement, le Pacte vert de l’Union européenne risque bien d’enrayer toute marge de manœuvre en la matière.

Poussé par cette idéologie funeste pseudo-écologiste, le Gouvernement français multiplie de lui-même des choix aberrants dans maints secteurs industriels aux bénéfices d’intérêts étrangers d’abord.

Ainsi, le cas récent de Stellantis, nouveau géant de l’industrie automobile, né de la fusion du français PSA – dont l’État est actionnaire via BpiFrance –  avec Fiat Chrysler en janvier 2021 est un exemple parmi bien d’autres de ces orientations ubuesques. Le site français de Douvrin devait accueillir à partir de 2023 la production de batteries électriques, maispouvaitperdre en contrepartie la production de la prochaine génération du moteur 4 cylindres EP. A priori, ce moteur à essence ne devrait pas prendre, comme cela était prévu, la direction de l’usine Opel de Szentgottard en Hongrie. En France, entre 300 et 800 emplois étaient menacés par ce qui a été l’une des toutes premières décisions majeures de la direction de Stellantis et qui apparaissait comme une conséquence directe de la transition vers l’électrique. Cette destruction massive d’emplois au prétexte de cette transition serait d’autant plus inacceptable qu’à la même heure, des concurrents allemands comme Volkswagen déploient des sites de production de moteur diesel peu polluants de dernière génération un peu partout en Europe.

Si ce maintien était confirmé, ce que nous souhaitons ardemment, cela prouverait bien qu’il suffit d’un peu de bonne volonté politique pour maintenir emplois et industries sur notre sol. Mais cette exception devra se vérifier après les échéances électorales, car cela pourrait se révéler n’être qu’une parade électorale.

Globalement, par son manque de vision stratégique, l’exécutif condamne notre industrie pour n’avoir ni anticipé ni donné ses chances de reconversion à nos entreprises. Il fait le choix de la rentabilité à court terme, sans visée d’avenir pour l’industrie française. Une transition écologique et numérique réelle ne peut pourtant pas s’effectuer sans ce que l’économiste Friedrich List appelait un « protectionnisme éducateur »,concept selon lequel une industrie naissante dans un pays donné doit être protégée par l’État dans l’optique de lui laisser le temps d’atteindre une efficience suffisamment viable avant d’affronter la compétition internationale.

C’est dans celle idée que Marine Le Pen réclame un protectionnisme intelligent et refuse le dogme de la « concurrence libre et non faussée » si chère à l’Union européenne, pour qui il s’agit notamment d’interdire aux États d’appliquer la préférence nationale dans le choix de leurs commandes publiques. Les européistes sont les seuls idiots du système à ouvrir grand leurs frontières et à laisser détruire des pans entiers de leurs économies !

Cette compétition internationale, il faut le relever, ne s’effectue plus seulement sur l’emploi, et se réalisera de moins en moins au moyen de postes de faible valeur ajoutée. C’est ainsi qu’un pays comme la Chine, dans lequel beaucoup de ces types d’emplois avaient été délocalisés, ne s’en contente désormais plus et s’en sert comme point d’appui pour développer ses industries de la tech, à haute valeur ajoutée et haut niveau de qualification. A l’heure où les pays développés mènent une véritable guerre de conquête du domaine des hautes technologies (spatial, nucléaire, intelligence artificielle, etc.), la stratégie pour une souveraineté industrielle française ne peut être dissociée de la nécessité d’une profonde réforme de la formation professionnelle orientée vers l’industrie de pointe.

Nous appelons de nos vœux un protectionnisme national partout où il est nécessaire. La préférence nationale économique relève du ressort de tous, à commencer de celui des consommateurs. Mais la puissance publique doit les épauler dans les choix de leur pouvoir d’achat. Dans le débat public actuel, seule Marine Le Pen défend l’idée d’un État stratège apte à faire de la souveraineté économique et industrielle une pierre angulaire du redressement français.

La transition énergétique n’est pas incompatible avec l’industrie, nul ne doit la prendre comme une aubaine pour développer une forme de guerre contre notre industrie pour des motifs essentiellement idéologiques. Il en va de l’avenir de nos nations européennes libres et souveraines.

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[1] Selon Luc Triangle, le secrétaire général de la fédération syndicale européenne IndustriAll (euractiv.fr, 10 mars 2020) https://www.euractiv.fr/section/climat/news/eleven-million-jobs-at-risk-from-eu-green-deal-trade-unions-warn/

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